FANNY LAURENT
Fanny Laurent est née en 1991. Après avoir grandi dans la banlieue lyonnaise, elle poursuit ses études entre Lille et Delhi, avant de partir vivre au Canada puis en Australie. De retour en France quelques années plus tard, elle s’installe à Paris. Elle a écrit deux romans: Eldorado, paru chez les éditions Kaplume en mai 2022, a été nommé “roman frenchy favori du printemps” par le média Les Petits Frenchies ainsi que “coup de coeur libraire” par plusieurs librairies. Ganga, son second roman, est paru chez les éditions Gope en octobre 2022.
Fanny, pouvez-vous nous raconter en bref votre parcours professionnel jusqu’ici ?
Je me suis d’abord dirigée vers le monde caritatif, puis à l’évènementiel. Ensuite, après plusieurs années d’expatriation, j’ai voulu combiner ma passion du voyage avec ma vie professionnelle, et c’est ainsi que j’ai été embauchée chez un tour-opérateur organisant des séjours sur-mesure. Mon métier consiste à trouver des activités et des hôtels qui correspondent à la clientèle française, à négocier auprès de prestataires locaux, à mettre à jour le site internet et à former les équipes de vente. Et bien sûr, à me rendre régulièrement à l’étranger pour tester moi-même les produits que nous proposons et en dénicher de nouveaux! Depuis quelques années, je combine l’écriture de romans avec mon métier dans le tourisme.
Qu’est-ce qui vous a amené à devenir auteure ?
Je suis d’abord une grande lectrice, et ce depuis l’enfance. Et puis, j’ai toujours aimé écrire des histoires, puis rédiger des carnets de voyages…Mais comme beaucoup, j’ai commencé sérieusement en 2020, lors des divers confinements que nous avons connus et de l’arrêt complet de l’activité touristique. Ce qui au début n’était qu’un jeu, un défi pour occuper le temps, s’est transformé en véritable addiction! J’ai d’abord écrit un roman intitulé Ganga, qui rassemble mes souvenirs d’Inde et pour lequel j’ai rapidement trouvé un éditeur. Forte de cette première expérience et heureuse de continuer dans cette voie, j’ai décidé cette fois-ci de me lancer dans l’écriture d’Eldorado.
Quel a été le déclenchement pour écrire « Eldorado » ?
J’ai toujours été fascinée par les thématiques de l’exil et de la transmission. Ce tiraillement entre le désir d’une vie meilleure, cette envie d’aventures et de voyages, et l’ancrage dont nous ressentons parfois le besoin impérieux, l’attachement à une terre ou un clan…
J’ai moi-même des origines italiennes, et ai vécu dans plusieurs villes où la diaspora italienne était très présente comme Melbourne ou Montréal. Un jour, la grand-mère de mon conjoint m’a raconté l’histoire de son défunt mari, qui, né en Italie, avait émigré en Savoie dans les années cinquante. Il avait choisi la France, mais ses cousins s’étaient expatriés au Brésil pour y construire une nouvelle vie. Grâce à ces anecdotes, aux lettres échangées à l’époque et aux souvenirs de la grand-mère, j’ai pu retracer leur parcours si romanesque !
Qu’inspirez-vous pour écrire ? Quel est le(a) auteur(e) que vous inspire le plus ?
Je puise mes inspirations dans les récits de famille et de voyage de mon entourage, dans mes expériences personnelles, je mène également des recherches exhaustives lorsqu’un sujet me passionne. Je m’intéresse par exemple beaucoup aux contrecultures, aux mouvements contestataires et aux marginalités ; c’est pourquoi, dans la seconde partie d’Eldorado, Gina fraie avec des musiciens et des artistes dissidents qui, à leur échelle, font frémir la junte militaire en place…
Parmi les auteurs qui m’inspirent le plus se trouvent par exemple Jean-Christophe Ruffin et Ken Follett, dont la plume parvient à mêler petite et grande Histoire, et Elif Shafak ou Jorge Amado dont la plume mêle l’humour et l’émotion avec un soupçon de magie. Je lis des auteurs du monde entier !
Avez-vous une méthode de travail ?
Écrire est accessible à tous et ne nécessite rien d’autre qu’on ordinateur ou un bout de papier. Il faut simplement du temps pour donner libre cours à sa créativité. Si je n’ai pas plusieurs heures devant moi, il m’est difficile de m’asseoir à mon bureau pour me plonger dans l’histoire que je souhaite raconter. Je suis par ailleurs assez méthodique et organise la structure de mes romans selon un plan défini – qui bien sûr évolue au fil des pages… Parce que l’écriture me permet d’évoquer des sujets qui me tiennent à cœur, j’utilise souvent l’intrigue de mes romans pour évoquer des sujets plus profonds, sociétaux, philosophiques ou politiques sur lesquels je m’interroge.
Où voulez-vous amener les lecteurs avec votre roman ?
J’aimerais que les lecteurs de mon roman s’interrogent sur leur propre eldorado, et qu’ils s’ouvrent à d’autres eldorados, d’autres imaginaires et opportunités. J’aimerais les faire voyager, même si la destination reste floue, et qu’ensemble nous remettions en questions nos idées reçues et nos modèles de pensées pour inventer de nouveaux possibles.
Fanny, « Eldorado », c’est votre premier roman, et il a beaucoup à voir avec le Brésil, racontez-nous d’avantage, s’il vous plaît ?
Si je suis partie d’un récit sur la diaspora italienne, l’écriture d’Eldorado m’a vite amenée à me plonger dans l’Histoire du Brésil.
Nous connaissons finalement si peu cette terre d’immigration, bâtie sur les vagues de population portugaises, italiennes, espagnoles ou japonaises, mais pétrie de coutumes et de traditions ancestraux. Gina, à la vue d’une poupée d’argile du Pernambuco, éprouve d’ailleurs une émotion inexpliquée, une soif insatiable de comprendre ce qui lui est étranger. J’insiste également sur l’héritage immatériel qui est transmis à chacun de nous, à travers notamment les personnages d’Ernesto et Simon. Face aux tabous familiaux, les deux jumeaux peinent à s’émanciper de leur mère – alors que connaître et se réapproprier sa culture apparaît essentiel pour trouver sa voie.
Alors qu’après la seconde guerre mondiale, l’Italie s’engluait dans les années de plomb et voyait sa population fuir en masse, le Brésil connaissait un essor phénoménal, porté par l’espoir fou des pionniers qui venaient s’y installer. Cet écart entre le vieux continent et le nouveau monde nourrit le désir, l’envie d’aller cueillir cet eldorado à portée de main.
Comme l’Inde, que je connais bien, le Brésil est un pays-continent, riche de ses contrastes et pétri de contradictions, où des capitales futuristes se dressent face à la plus importante forêt tropicale au monde et à la sècheresse du Sertao, où des idéalismes inspirants se heurtent à des politiques violentes – encore aujourd’hui.
Quel artiste(s) brésilien(s) admirez-vous le plus ?
Il existe encore trop peu d’écrivains brésiliens traduits en français – ou même en anglais! J’ai déjà évoqué Jorge Amado et son réalisme magique qui me transporte. Milton Hatoum fait également partie des auteurs que j’admire, pour les thèmes sur lesquels il travaille (l’exil, les lieux imprégnés d’imaginaire et de légendes) et la façon dont ses personnages tentent d’échapper à une malédiction familiale ou un déterminisme social.
Côté musique, j’aime beaucoup la tropicalia et particulièrement le groupe Os Mutantes, j’en parle dans Eldorado: cette façon joyeuse et riante de protester me ravit.
Pour finir, qu’avez-vous lu, regardé et écouté en ce moment?
J’ai récemment revisionné un film de Juliano Dornelles et Kleber Mendonça Filho appelé Bacurau, qui me fascine toujours autant, trois ans après sa sortie. C’est un ovni, incroyablement précurseur, dystopique, contemplatif, réaliste et psychédélique. J’adore ces oeuvres qui ne semblent rentrer dans aucune case, à la fois drôles, profondes et tragiques.
Et en ce moment, je m’emploie à lire toute la bibliographie d’un auteur islandais que j’ai découvert lors de mon voyage dans ce pays l’année dernière, et qui s’appel Jon Kalman Stefansson. Sa plume est bouleversante, lyrique. L’auteur, ancré à son île natale, parvient toutefois à dire l’universel.
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